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À l’avant-garde du possible

Photo: Joel Pelletier

Entrevue avec Jon Steinman, auteur du livre « Grocery Story – The Promise of Food Co-ops in the Age of Grocery Giants »

1. Vous avez interviewé des dizaines de personnes dans des communautés à travers le Canada et chez notre voisin du Sud. Qu’est-ce que ces personnes apprécient le plus de leur coop locale?

Les gens aiment leur coop alimentaire parce qu’elle leur offre une expérience de communauté, contrairement à l’expérience souvent vide de sens que l’on vit dans les allées impersonnelles des détaillants des grandes chaines. Entrer dans une coop alimentaire, c’est un peu comme entrer dans un centre communautaire plein d’animation. C’est certainement le cas dans les coops les plus prospères. C’est un peu le même sentiment qui attire les gens aux marchés fermiers… même si, « attirer » n’est peut-être pas le meilleur terme… c’est plutôt comme une « soif » – un besoin inné des humains de tisser des liens, d’interagir face à face, de se rassembler avec d’autres membres de notre « tribu ». Cette soif est particulièrement forte en cette époque naissante et expérimentale des soi-disant médias « sociaux ». À ma connaissance, aucun autre type de magasin d’alimentation n’arrive à offrir le plaisir que l’on retrouve si souvent dans les marchés fermiers.

2. Les coops de consommateurs comme celles dont il est question dans votre livre « Grocery Story » ne comptent probablement que pour 1 % du total des ventes des magasins d’alimentation. Qu’est-ce qui explique leur influence plus grande que nature sur le secteur de l’alimentation au détail? Comment cette influence se fait-elle sentir sur l’industrie alimentaire dans son ensemble?

C’est un peu comme l’a si bien dit Margaret Mead : « Ne mettez jamais en doute le fait qu’un petit groupe de citoyens engagés et attentionnés puisse changer le monde; en fait, c’est le seul moyen qui ait réussi à le faire ». C’est ça l’histoire des coops alimentaires – d’avoir toujours été à l’avant-garde du possible. Les grands magasins d’alimentation, par contre, ne sont pas aussi attentionnés – ce n’est pas vraiment leur raison d’être. Ils sont vraiment, vraiment bons pour influencer (ou, plus précisément, pour manipuler) la demande des consommateurs, pour répondre à cette demande et le faire au moindre cout possible et au prix le plus bas. Ils sont également très « engagés » – engagés à assurer la solidité de leur bilan financier et à satisfaire leurs actionnaires par la maximisation des profits.

Heureusement, être « attentionné », c’est une qualité enivrante – c’est l’esprit qui écoute ce que le cœur lui dicte. Et la voix du cœur, mise en action, est puissante – si puissante que pour chaque pas que les coops alimentaires et leurs fournisseurs prennent en direction d’un système alimentaire plus conscientisé, les cœurs et les esprits de tous les gens qui mangent en sont transformés. Cette conscientisation grandissante et les changements qui en résultent dans les attentes des consommateurs sont assez forts pour que les géants de l’alimentation ne puissent plus les ignorer. Il y a beaucoup à célébrer lorsque les grands magasins d’alimentation approvisionnent de plus en plus de tablettes avec des aliments biologiques, ou encore lorsqu’ils s’engagent à ne plus vendre d’œufs produits par des poules élevées en cage. Sans aucun doute, le travail des coops alimentaires a joué un rôle déterminant dans ces changements systémiques au sein du système d’alimentation dominant. Notre coop ici à Nelson est très consciente que des représentants du géant de l’alimentation, Save-On-Foods, situé tout près, visitent notre magasin régulièrement pour voir ce que nous faisons. C’est fascinant de voir comment les chaines de magasins tentent d’apprendre des coops alimentaires. Particulièrement parce qu’ils ont tendance à « s’enfarger » dans les fleurs du tapis sur une base régulière. Peut-être qu’ils améliorent leur offre de produits, mais leurs gestes peuvent aussi quelquefois nuire à l’intention même que l’idée initiale cherchait à atteindre. Par exemple, lorsqu’une chaine d’alimentation commercialise un produit qui provient de 700 km de là comme un produit « local », elle affaiblit les véritables producteurs locaux qui offrent le même produit. La capacité des producteurs alimentaires véritablement locaux de commercialiser leur produit comme un produit « local » est beaucoup moins porteuse lorsque les chaines s’efforcent par tous les moyens d’élargir, voire de diluer, la définition de « produit local ».

C’est ce que je démontre en long et en large dans le livre. Il y a une distinction très importante à faire entre les coops alimentaires et les autres magasins d’alimentation. Les coops alimentaires accordent une grande valeur aux fournisseurs locaux. C’est pourquoi la coop de Kootenay présente tous ses produits locaux avec l’étiquette « True Local ». C’est pourquoi être ou devenir membre-propriétaire d’une coop alimentaire est aussi important. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre toutes les erreurs et tous les dommages causés par les grands magasins d’alimentation dans leur course folle vers le profit. Le fait de magasiner à une coop alimentaire fait en sorte que nos achats d’aliments passent du côté de l’intégrité.

3. Mon expérience personnelle est que les coops comme celles que vous présentez appartiennent aux consommateurs qui y magasinent, mais que les personnes les plus engagées sont les gens qui y travaillent. Quels sont certains des avantages et des désavantages de cette dynamique?

Si par « engagé », vous voulez dire engagé à participer aux fondements démocratiques de la coop alimentaire, alors je pense que vous avez probablement raison. Les employés sont généralement plus engagés que les clients. Ils forment une proportion importante des membres qui se présentent à nos assemblées générales annuelles à la coop de Kootenay. Je vois cela comme un signe prometteur puisque je suis assez certain que l’une des raisons qui font que tant d’employés sont aussi engagés dans les processus démocratiques de leur coop est qu’ils comprennent vraiment et profondément à quel point leur coop est spéciale et importante. Comment faire autrement : ils y sont impliqués de façon quotidienne. C’est ce que j’essaie de faire avec ce livre – de partager ce qui rend les coops alimentaires si importantes et d’inspirer l’enthousiasme délirant que je ressens moi-même envers ma propre coop alimentaire.

4. Qu’est-ce que vous avez appris de plus surprenant en effectuant des recherches pour votre livre?

Ça a certainement été une grosse surprise pour moi d’apprendre que du début jusqu’à la moitié du 20e siècle, il y a eu une forte résistance à la montée des chaines d’alimentation en Amérique. Le gouverneur de la Louisiane, Huey Long, l’a bien exprimé lorsqu’en 1934, il a déclaré : « J’aimerais mieux avoir des voleurs et des gangsters que des chaines de magasins en Louisiane. » De la même façon que nous voyons aujourd’hui l’impact brutal des détaillants en ligne sur l’avenir des détaillants qui ont pignon sur rue, ou encore l’impact des médias en ligne sur l’avenir des médias imprimés, les commerçants et les individus empreints de civisme du début du 20e siècle ont été les premiers témoins de l’impact brutal des chaines de détaillants et de leur sièges sociaux éloignés sur le cœur et l’âme des rues commerçantes et sur le bienêtre des entreprises dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture. Les efforts qui ont été consentis aux plus hauts niveaux de gouvernement pour soit empêcher soit limiter la croissance des chaines sont stupéfiants. Vous devrez lire le livre pour en savoir plus!

  

5. Nous avons vu, en ligne, une photo de la hutte d’écriture que vous avez utilisée pour ce livre. Elle est fantastique. Y a-t-il une chance que vous la trainerez avec vous sur une remorque pour votre tournée de promotion?

Très drôle. La hutte d’écriture n’est définitivement pas conçue pour les déplacements. Ça ne serait pas très écoénergétique.

 

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