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Entrevue avec l’ingénieur Luis Mendoza Aguilar, directeur général de l’Association péruvienne des productrices et producteurs paysans de cacao

Nous avons connu Luis Mendoza, directeur général de l’Association péruvienne des productrices et producteurs paysans de cacao (APPCACAO), lors de notre visite chez nos partenaires de la coop Acopagro l’année dernière. Il avait alors offert une formation d’initiation aux participant·e·s du voyage. Nous avons eu la chance d’échanger de nouveau avec M. Mendoza pour cette entrevue.

Camino : En décembre 2018, la Fairtrade Labelling Organization (FLO) a annoncé qu’elle augmenterait de 400 $ le prix minimal d’achat des fèves de cacao équitables. Cette augmentation entrera en vigueur au mois d’octobre 2019. Est-ce que les producteurs et productrices paysan·ne·s des organisations membres d’APPCACAO sont au fait de ces changements de prix?

Luis : Tout au long de l’année 2018, la FLO a entrepris une série de consultations à travers les différents pays producteurs de cacao. Dans notre région, c’est l’organisme de coordination de l’Amérique latine et des Caraïbes qui a mené cette démarche grâce à laquelle plus de 76 associations et coopératives de producteurs et productrices ont été atteintes. Quarante-quatre des groupes qui ont participé aux consultations proviennent du Pérou. Un processus similaire s’est tenu dans différentes régions à travers le monde. À la suite de cette cueillette de données, les nouveaux prix fixés par la FLO pour le commerce équitable ont été annoncés à la fin de l’année 2018. Ils entreront en vigueur dès le mois d’octobre prochain.

Prix plancher du cacao certifié équitable fixé par la FLO : 2 400 $ US par tonne métrique

Prime pour les produits issus du commerce équitable : 240 $ US par tonne métrique

Prime pour les produits issus du commerce biologique : 300 $ US par tonne métrique

Cette augmentation du prix plancher et des primes pour les produits issus du commerce équitable et biologique est très importante pour les producteurs·trices, particulièrement en ce moment où les prix n’ont jamais été aussi bas dans l’histoire. Malgré cela, les communautés productrices sont très peu au courant de ces changements. Il faudra donc avoir recours aux médias ainsi qu’à d’autres outils d’éducation afin de bien faire comprendre cette nouvelle réalité.

Camino : Quel est le montant moyen reçu par les producteurs et productrices pour leurs fèves de cacao actuellement? Considérant l’augmentation prévue des prix du commerce équitable, croyez-vous qu’un changement dans la rémunération sera déjà observable pour les récoltes de cette année?

Luis : Si on devait réellement observer une augmentation dans les prix du cacao issu du commerce équitable et biologique, celle-ci ne se ferait pas sentir avant 2020. Au cours des cinq premiers mois de l’année, soit de janvier à mai 2019, le prix moyen sur le marché mondial oscillait entre 2 263 $ US et 2 315 $ US par tonne. Le montant reçu par les productrices et producteurs paysans, qu’on appelle le prix à la production, fluctuait entre 2 $ US et 2,20 $ US par kilogramme de cacao. Nous espérons que les personnes productrices obtiendront 0,50 $ US de plus par kilogramme, grâce aux primes pour les produits équitables et biologiques. Ce montant prendrait normalement la forme d’un surprofit à la fin de la saison versé par leur coopérative ou association. En ce qui concerne le cacao haut de gamme comme le Gran Blanco dans la région de Piura, ou le Chuncho de Cuzco, le prix moyen sur le marché est de plus de 3 000 $ US par tonne. Évidemment, celles et ceux qui cultivent ce type de cacao reçoivent une somme plus élevée.

Camino : Est-ce que l’augmentation estimée de 300 $ US par tonne pour les produits biologiques et équitables se fera sentir par les productrices et producteurs paysans de cacao?

Luis : Toute augmentation des prix qui touche la production paysanne a un impact. Les prix révisés servent surtout à couvrir les dépenses que représente la culture biologique d’un produit de grande qualité. Il est important de souligner le haut niveau d’engagement de la part des productrices et producteurs paysans membres de l’APPCACAO envers les pratiques d’agriculture durable. Il ne faut pas non plus perdre de vue que l’agriculture biologique et durable du cacao est difficile et coûteuse, surtout en considérant les prix élevés de l’engrais biologique, ainsi que les défis de répondre aux standards phytosanitaires sans avoir recours aux produits chimiques. Durant les consultations au sujet de la fixation des prix du commerce équitable, les producteurs et productrices ont fait ressortir la nécessité de revoir ces montants tous les deux ans. Ainsi, cela permettrait que le travail dévoué des producteurs·trices de cacao biologique continue d’être reconnu et récompensé par le marché malgré les changements.

Camino : Vous venez de participer au Salon du cacao et du chocolat du Pérou (Salón del Cacao y Chocolate Perú), un événement d’envergure qui se tient chaque année à Lima au mois de juillet. Quel rôle votre organisation, APPCACAO, a-t-elle joué dans celui-ci?

Luis : Cette année, le Salón del Cacao y Chocolate Perú célébrait son dixième anniversaire. Au fil des ans, il est devenu l’un des événements d’agriculture les plus importants au pays. Pour les producteurs·trices et pour l’ensemble des grandes organisations de cette industrie, le salon représente un espace rassembleur pour faire avancer les savoirs et les apprentissages et pour échanger de l’information sur tout ce qui concerne le chocolat, du champ jusqu’à l’assiette. Il favorise aussi la création de liens qui permettent de renforcer le soutien aux producteurs et productrices.

Au Pérou, le cacao est un produit phare de l’exportation et ceci est un élément clé pour faire reconnaître la valeur des récoltes. Le cacao tient ses origines génétiques dans l’Amazonie péruvienne et c’est pour cela qu’il en existe aujourd’hui une grande richesse de variétés. Cette richesse nous rappelle l’importance de protéger la forêt tropicale. Nous avons aussi beaucoup de travail à faire pour encourager au sein même du Pérou la consommation du chocolat produit localement. Il nous faut également faire la promotion du cacao en tant qu’ingrédient, que ce soit pour la fine cuisine, la confection de friandises, la boulangerie, même pour les industries pharmaceutiques et cosmétiques. De plus, l’importance de soutenir les organisations locales d’agriculture et de transformation du cacao afin qu’elles deviennent exportatrices a été un sujet central lors de l’événement.

Cette édition du dixième anniversaire du salon s’est tenue du 11 au 14 juillet. Elle comprenait des tables rondes d’entreprises, des démonstrations culinaires, une visite éducative que nous appelons la route du cacao (Ruta del cacao), ainsi que notre programme pour les enfants, le Choco-Kids.

En parallèle du salon, nous avons également tenu le cinquième concours national de chocolat et le treizième concours national annuel de cacao. Ces concours reconnaissent l’excellence des meilleur·e·s chocolatiers·ères et agriculteurs·trices de cacao et récompensent les produits de grande qualité.

Notre organisation, APPCACAO, était à la tête du comité organisationnel du salon. Il faut souligner que l’événement a aussi été rendu possible grâce au haut niveau de collaboration avec nos organisations membres, l’Agence des États-Unis pour le développement international, les Nations Unies et différents ministères du gouvernement péruvien. Cet événement permet aux organisations de producteurs et productrices paysan·ne·s d’avoir accès aux marchés étrangers et contribue au développement social et économique. Je trouve donc cela vraiment gratifiant de pouvoir en faire partie.

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